La fumée
– Manjunath
(L’auteur, Manjunath, est par excellence d’un lecteur vorace et polyvalent, d’un critique avisé et d’un grand voyageur. Et bien sûr, l’un des jeunes écrivains tamouls très prometteurs de la nouvelle génération, originaire de Pondichéry, en Inde. Il écrit à la fois des poèmes, des nouvelles et des essais dans des revues littéraires du Tamil Nadu. Son premier recueil de nouvelles intitulé Kuthiraikaran puthagam, ou le livre de l’homme de cheval a été fort apprécié. Professionnellement, il est pharmacien dans un hôpital gouvernemental de médecine siddha [ayurvédique] à Pondichéry.)
« Depuis deux jours, étant donné que je n’ai pas d’argent, bon nombre de mes demandes restent sans réponse. Je me sens tendu. Quiconque je vois, je me mets en colère. »
La fatigue et l’ennui se sont unis pour mettre Manikkavelou sous pression.
« On ne pourrait pas survivre sans cette merde ? » Même aller aux toilettes devient difficile à ce moment. De ce fait, les trois quarts des jeunes qui ne parviennent pas à arrêter de fumer se retrouvent dans une situation difficile, n’est-ce pas ? Pour l’instant, je n’ai que vingt roupies en main, avec lesquelles je ne peux pas tenir plus de trois jours.
Il est huit heures du matin, Manikkavelou, un jeune célibataire, gémit dans sa garçonnière d’un quartier animé.
« Eh bien, il faudra au moins une demi-heure pour que mes amis se réveillent. Donc, avant cela, je dois résoudre mon problème. »
Près du stand de thé Soubbou, c’est là qu’on le trouve. D’abord, il faut aller tout droit, en tournant à gauche, si l’on va vers la droite, on pourra voir ce que l’on cherche au bout. Manikkavelou ne peut même pas marcher rapidement. Le corps paraît-il pesant. Il se sentait si fatigué et épuisé comme celui qui travaille dans une ferronnerie, se laissant fondre sur son lit, lorsqu’il rentre chez lui après une dure journée.
La respiration devient difficile. Le cœur s’est mis à battre rapidement. Le sentiment que ce qu’il cherche sera bientôt dans sa main sème une sorte de folie dans sa façon de marcher.
« Donnez-moi une cartouche filtrante », dit-il en tendant sa monnaie au buraliste. La cigarette est restée joliment collée dans sa bouche grâce à la viscosité de sa lèvre. L’allumette qu’il vient d’allumer est brusquement éteinte par une bouffée de vent venue de quelque part. Cette fois-ci, avant de gratter l’allumette, il a pris un moment pour faire barrage au vent avec sa main et a inhalé la fumée plus profondément à de courts intervalles, afin que la cigarette puisse prendre feu. De plus, il est maintenant entouré non seulement de fumée, mais aussi d’une bonne odeur.
En prenant une plus grande bouffée, son cœur entier s’est rempli de fumée. Dès lors, toutes les cellules de son cœur ont commencé à se sentir. Le rafraîchissement qui s’infiltrait dans chaque parcelle de son muscle lui donnait l’impression d’être la seule personne dans l’univers.
Il a laissé sortir la fumée, mais pour l’inhaler le deuxième, il s’est donné du temps, de sorte qu’une certaine forme de vivacité a embrassé le corps. Et le cœur s’est mis à déborder d’extase.
Sa respiration est revenue à la normale de même que la circulation s’est rétablie après l’élimination du blocage du canal. Il a ressenti une telle force, comme si le corps avait reçu du sang. La joie et la fumée se sont répandues sur son visage. De plus, on pouvait également voir une sorte de noirceur sur son visage.
Soudain, quelqu’un a tapé fort sur la nuque.
Énervé par le lourd coup qui lui a été porté d’une main brutale, il s’est retourné rageusement pour voir si la personne qui l’a frappé serait un ami. Cette fois, il a reçu un puissant coup de poing au visage.
« Pourquoi, tu me regardes comme ça ? »
« … »
« Tu penses que tu es un grand gars ? On dirait un lettré. Mais, quel chien ! »
« ….. »
« Tu ne sais pas qu’il ne faut pas fumer en public ? »
« Monsieur… laissez-moi partir. Je ne fumerai plus en public, monsieur. »
« Peu importe, combien de fois on vous l’a dit, vous ne changerez pas. Au poste de police, il faudra vous frapper sur les genoux, et c’est ainsi que nous pourrons vous corriger. Monte dans le van ! »
* * * *
La jeep est arrêtée devant le bâtiment rouge.
« Aroumougam ! » appelle l’officier au gendarme, puis « combien sont-ils ? Dis-moi ! » demande-t-il.
« Monsieur, nous avons interpellé un total de dix-huit personnes lors de notre ronde de 8 h à 10 h ».
La réponse du gendarme fait taire l’officier supérieur.
« Quelle que soit la manière dont on le dit, vous ne changerez pas. Il est interdit de fumer dans les lieux publics, le saviez-vous ou pas ? »
« … »
En Malaisie et à Singapour, vous devez payer une amende si vous crachez dans un lieu public. En dehors de cela, il existe une loi qui prévoit une peine de prison pour les fumeurs. Donc ils ont une bonne tenue de leur pays. Si vous étiez patriote, vous ne feriez pas une telle erreur ici, hein ?
« ….. »
« Ne sais-tu pas que fumer est mauvais pour le corps ? » —Le haut fonctionnaire semblait poser la question à Manikkavel.
« Je ne sais pas… monsieur ! » – c’était sa réponse, mais il hochait la tête comme s’il savait.
Le commissaire de police qui avait jusque-là parlé avec une certaine colère, s’est assis à la table en posant les coudes et s’est calmé.
« On dirait que vous êtes tous des étudiants. Une chose est claire, nous ne pouvons pas vous corriger, vous ne pouvez vous amender que si vous le voulez ».
« Aroumougam ! »
« Monsieur ! »
« Après avoir reçu leurs signatures et leurs adresses, libérez-les ! Je vais voir notre supérieur.
Le bruit de la jeep qui part se fait entendre.
“Pourquoi avez-vous tous un regard si triste et interrogateur, mon officier crie toujours comme ça.” — on a pu remarquer dans la voix du brigadier un aspect de dureté et d’ordre.
“À votre âge, vous devriez éviter ce genre de mauvaises pratiques”, a-t-il dit.
* * * *
I Manikkavel n’a plus aucune crainte, tout a été évacué, immédiatement après sa sortie du commissariat à la merci du brigadier. Cependant, il regrette de ne pas avoir pu agir de manière appropriée quelques minutes plus tôt au moment de la situation embarrassante.
“Pas même un centime dans ma main, et je n’ai pas d’autre choix que de retourner dans ma chambre”, murmura-t-il.
Il s’est calmé et s’est assis sur le banc de l’arrêt de bus. » Veux-tu fumer une clope avec tant de difficultés ? — lui demanda le subconscient. La question du subconscient lui parait raisonnable.
Par hasard, son regard se pose sur le bureau de tabac et sur la petite rue qui le jouxte.
Là, le brigadier Aroumougam, une grosse fumée à la bouche, est en train de discuter sérieusement avec une personne.
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